Peut-on vraiment produire des contenus evergreen ? qui ne seront jamais obsolètes ?
Le fond VS. la forme
Sur le fond, c’est possible de rédiger des articles qui ne sont pas vraiment périssables. Ce sont souvent des textes qui se concentrent sur une question de fond. L’éthique, par exemple. Ou encore la citoyenneté.
Ces sujets sont intemporels. On peut prendre autant de plaisir à lire un pamphlet sur ces notions en 1980 qu’en 2022.
Par contre, lorsque je relis les articles publiés depuis 2013 sur ce site, je note tous les termes, toutes les marques et dénominations à mettre à jour.
Par exemple je peux lire ici « Google Outils pour webmasters« , qui a été renommé « Google Search Console« , ou bien encore là « Google My Business » devenu « Fiche d’établissement Google« .
C’est ce genre de détail qui va mettre la puce à l’oreille du visiteur averti. Si l’article n’affiche pas la date (de rédaction ou de mise à jour), c’est un pas de plus vers le doute sur la qualité des contenus.
En effet, si les choses ne sont pas nommées correctement, c’est que la ligne éditoriale n’est pas clairement définie ou même suivie.
Ou bien c'est encore qu'on est sur du contenu chaud, de l'actualité, de l'info consommable rapidement, qui sera oubliée dans un jour ou deux. On parle souvent de snack content pour qualifier ces ressources prêtes à consommer, présentées dans un format court, reconnaissable, qui fait la part belle à la présentation et aux biais cognitifs. Ces contenus peuvent être des articles, des vidéos courtes ou des infographies, mais toujours avec la promesse alléchante d'en tirer partie en 5 minutes, grâce à des tips actionnables.
Par exemple, une infographie titrant "5 minutes chrono pour découvrir 5 tips essentiels pour maîtriser l'IA qui vont booster votre productivité".
A la lecture d'une telle phrase, on se sentirait bien bête de passer à côté du bénéfice promis, n'est-ce pas ?
Evergreen, un choix éditorial assumé
Contrairement aux snack contents, qui sont souvent des éléments recyclés (je rappelle sans vergogne le recyclage honteux des différents contenus des réseaux sociaux entre eux, et voilà déjà deux bonnes années que LinkedIn voit passer ces individus qui vont piller les archives de Facebook et Twitter pour en faire des publications populaires voire virales sur le réseau professionnel), bref, contrairement à ces petits riens-du-tout éphémères exhumés de fils d'activité pour la plupart posthumes, choisir une ligne éditoriale durable (qui s'inscrit dans la durée) demande de questionner le fond, de prendre du recul, d'analyser la situation.
Pérennité contre facilité
L'avènement des technologies IA comme ChatGPT ou AutoGPT, propulsées en quelques semaines dans toutes les solutions grand public (du moteur de recherche Bing aux robot conversationnel de Snapchat et autres) révolutionne complètement la donne. En effet les application comme OpenAi permettent de générer des textes automatiquement en quelques instants. Le coût très réduit d'accès à ces outils en ligne voit émerger de nouvelles tendances de rédaction web depuis quelques le dernier semestre 2022. Désormais, générer un prompt puis l'affiner pour obtenir des articles de plus de 2 000 mots sur n'importe quel sujet est à la portée du premier curieux.
Malheureusement, les départements marketing se sont emparés de cette lampe d'Aladin, et les SEO ont été les premiers à frotter l'objet magique pour en faire sortir le génie des contenus web.
Il suffit pourtant de réfléchir quelques secondes pour anticiper la suite des évènements :
- Contenus quasi-gratuits, sur quasiment n'importe quel sujet
- Outils de recherche de mots-clés sollicités pour qualifier la barre d'entrée dans les SERPS, disons le top 10 Google
- Certains vont produire des contenus de plusieurs milliers de mots pour franchir cette barre d'entrée et tenter de se positionner
- D'autres vont au contraire inonder le web avec des contenus plus modestes mais pour viser des positions moins concurrencées sur des termes de niche
- Pour optimiser les processus ils vont tous parcourir le web dans tous les sens pour exploiter les marchés (affiliation, revenus publicitaires, vente de liens...)
- En réponse, ces marchés vont avoir des cycles qui vont se raccourcir, puisqu'à chaque nouvelle promesse de gains, les acteurs ont envahir le web toujours plus nombreux et toujours plus rapidement (en quelques mois la technologie GPT-3 s'est vue concurrencer par GPT-3.5 au début 2023, et GPT-4 est annoncé, à chaque bond technologique ce sont des retombées phénoménales : algorithmes plus rapides, source de données toujours plus récente et exhaustive, temps de calculs toujours plus courts...)
- Bref le web va s'auto-phagocyter : tous ces contenus mutants, se copiant les uns les autres, apportant par-ci par-là un contenu supplémentaire différenciant, et finissant tous par s'auto-copier en temps réel, vont finir par se faire exclure de tous les critères des moteurs de recherche, qui seront complètement saturés. Pas seulement par ces peta octets de données publiées chaque heure, mais aussi par les techniques qui auront été trouvées pour compenser la méfiance des moteurs : création de liens externes toujours plus rapide et automatisée, création et usurpations d'identités expertes pour s'accaparer l'E-E-A-T, amélioration continue des web performances pour avoir toutes les métriques Web Core Vitals dans le vert, etc.
- Bien entendu, les moteurs n'auront pas attendu passivement d'en arriver là. Ils prendront de moins en moins de ressources externes et puiseront dans leurs bases de données les sources de références identifiées par les différents critères qu'ils auront pu mesurer de leur côté : nombre de visites, nombre de citations, nombre de liens, contenus les plus populaires, temps passé sur chaque page, etc
Ca, c'est la facilité. Et cette facilité a un coût. Exit le Green IT avec cette facilité. Exit la sobriété numérique, on est à 200% dans l'excès.
Pour contrer cette tendance en 2023, il va falloir se tenir à une ligne éditoriale qui ne vise pas tout ça. Écrire des articles de fond, d'analyse. Rédiger des contenus qui ne vont sans doute jamais faire le buzz, car ils ne seront ni préparés pour dans leur forme, ni promus par de la publicité ou des liens externes pour booster leur popularité.
L'ère des contenus evergreen est venue : Des ressources imparfaites, pas vraiment mises en avant au sein d'une interface sexy. Mais qui tiennent la route face à des milliers d'articles copiés, volés et recyclés et remaniés par l'Intelligence Artificielle avec des tables des matières parfaites, des longueurs de phrases courtes et des mots-clés savamment disposés.